Benito Rosario, les biftons d'un raté

  Toujours prendre ses médocs,
Encore une nuit d'un ennui mortel. Savourant un film pourrit dans un taudis pourri, n'ayant même pas l'argent pour acheter un cigare venant de mon propre pays. Je me contente à la place d'un Davidoff pourrit me donnant la nausée, la déprime et l'envie de pourrir. J'ai le cœur en feu, les paluches tremblotantes et la mine grisâtre. Je tombe peu à peu sous l'emprise de la noirceur jusqu'à en venir au sommeil profond.

Deux heures plus tard, j'ai un truc qui m'glace le bide. C'était ma femme... Sandy, à vrais dire je peux pas la blairer, mais il paraîtrait qu'elle est séduisante. Personnellement, je trouve qu'elle a une tête de bourricot et que ces bruits de pas saccadé donnent l'impression d'avoir affaire à un vrai thon ambulant. Cette pute schlingue. Elle sent le pourri. L'odeur d'un cadavre oublié dans un baril toute une année. Inutile de vous parler de l'odeur de son sang qui fouette encore plus que son corps lorsque je lui fou quelques beignes.
J'adore cogner quelqu'un... peu importe qui ça peut être, ça fait du bien au moral.



«
- Hé crétin ! N’oublie pas d'prendre tes médocs.
- J'ai pas oublié, j'ai juste pas envie d'prendre ces merdes.
- Tu vas pas co...
- Ferme ta gueule ! J'en ai ma claque d'ton gros cul d'merde, j'en ai ma claque d'me taper la tronche que tu tires tous les quatre matins ! Je t'enmerde ! »

C'est une sorte de rituel du matin chez moi. Je claque la porte et je laisse ma donzelle pousser des cris d'hystérie pendant que je remonte la braguette de mon froc et respire un grand bol d'air en contemplant le paysage pauvre en beauté et tellement riche en tas d'merdes sur les trottoirs. Ce ghetto me traumatise la rétine chaque fois où j'ose passer le bas de ma porte.
Comme tous les jours je longe la ruelle pour me retrouver au pub, passant habituellement devant les deux ou trois junkies affalés à même le sol en train de baver sur leur prochaine dose d'héroïne qu'ils pourraient s'injecter. Mais les junkies ne sont pas le seul problème. Après eux, on passe comme toujours chez les clodo en train de se réchauffer auprès d'une espèce de container embrasé. Et comme chaque matin, ils ont le culot de venir te demander une pièce avec le sourire, te remerciant chaque fois en pensant bien fort à quel point il t'a entubé de ces quelques dollars qui vont lui servir à s'acheter sa bouteille quotidienne.

Personnellement, j'appelle cet endroit « la ruelle du supplice ». Non pas que je sois exaspéré de voir quotidiennement les mêmes tronches de ratés, mais plutôt qu'ils me foutent un coup au moral lorsque je vois ces gens sans ambitions mises à part celle de se droguer.
Arrivé au bar, je m'assois, je commande et je bois ma bière. Un goût âcre et amer emplit ma gorge et une fumée de saveur indescriptible me vient lorsque je déguste ce cigare dominicain en regardant du coin de l'oeil le salop qui me pointe du doigt en parlant à son voisin de table sans aucune politesse.
Si je pouvais je le corrigerais sur place, mais cela impliquerait que j'lui avoine le museau pour lui faire fermer son clapet, mais je suis un homme digne et intègre. Alors je ferme ma gueule et continue de boire ma bière comme si de rien était.

Non... j'rigole. J'prends mes cojones à deux mains et me lève aussi tôt. Ce con me lance un regard, je lui lance un regard qu'il ne peut voir sous mes lunettes de soleil et lui décroche une droite aussi sèche qu'un cognac. Ce mollasson déblatère des conneries dans une langue que je ne comprends pas, je lui explique alors de bon cœur avec une mandale dans le gosier que je ne pige rien à ce qu'il me raconte. Cet énergumène pointe alors du doigt quelque chose derrière moi. Visiblement, c'était une télévision, et pour ne pas paraître plus con que je le suis, une gauche bien méritée lui arrive en plein dans l'pif et retourne alors sur mon siège afin de rallumer mon cigare en me donnant un air de Clint Eastwood dans ces films de Western.

Bien entendu peu de temps après les cow-boys débarquent et me dérouillent comme il faut avant de m'enfermer au mitard.

Si seulement j'avais pris ces foutus médocs...