Prémices d'une nouvelle vie

Dans la soirée du 5 avril, l'arrivée du crépuscule signait ma première prise de service depuis mon intégration. Vais-je être à la hauteur des responsabilités qui m'ont été conférées dès la réception de mon insigne? Saurais-je gérer des situations qui s'écartent de ce qu'on a pu réaliser pendant nos vingt deux semaines d'académie? Arriverais-je à préserver mon sang froid face à la difficulté? Mon cerveau délayait dans une quantité phénoménale d'interrogations, à tel point que le stress n'a pas pris beaucoup de temps pour affleurer. Après un court délai de réflexion, je me suis enfin décidée à me revêtir de mon uniforme et à notifier ma prise de service. Presque immédiatement, je me suis retrouvée affecter au sergent Eldridge Seale, la connaissance de son grade amplifiant d'avantage mes craintes vis à vis de mes débuts au sein du département du shérif.

Fort heureusement, il s'est avéré que la ville était paisible durant ces premières heures. Néanmoins, à Los Santos, la tombée de la nuit signe toujours l'arrivée des hostilités et il n'a donc fallu que peu de temps pour affronter la dure réalité du terrain. Cette dernière ne perd d'ailleurs pas de temps pour nous braver férocement, nous, généralistes néophytes. Pour cette raison, certains l'appellent la "sélection naturelle" dans le métier, parce que les plus faibles d'esprit n'y résistent pas, et ce malgré toutes ces expériences académiques destinées à forger notre mental. Et ce soir là, la réalité du terrain m'avait très vite chargée de toutes ses forces, anéantissant ma naïveté déconcertante.

En effet, une péripétie a très vite entravé la banalité de cette ronde, quand l'une de nos unités a mentionné qu'ils étaient sous la ligne de mire d'un sniper aux alentours d'El Corona. Nous nous sommes alors mis à tourner dans le secteur, et nous avons fini par débusquer le tireur, celui-ci prenant immédiatement la fuite. Mais cette poursuite fut de courte durée, puisqu'il s'est soudainement retourné, une arme automatique dans les mains, et a ouvert le feu sur notre véhicule. Là - par le biais d'un surplus d'adrénaline - j'ai trouvé la force de dégainer mon arme à feu et de riposter. Un coup de feu... Deux coups de feu... Il ne tombait pas... Apeurée, j'ai continué de tirer jusqu'à ce qu'il tombe, le suspect maintenant ses rafales en direction de mon sergent. Le dernier coup de feu était semblable à un glas annonçant la détresse de mon esprit. Scotchée par l'homme que je venais d'abattre froidement, je me suis mise à tressaillir, avant de finir aussi inerte que le macchabée qui gisait au sol. J'étais dès lors privée de toute pensée rationnelle, corrompue par la remémoration consécutive de mon acte sanguinaire. Heureusement, l'un de mes collègues - Javier Cedeno - a réussi à faire preuve de suffisamment d'éloquence pour me faire garder les pieds sur terre au terme d'un court monologue sur la nécessité de mon geste et surtout les conséquences positives qui en découlent.

Après un court interrogatoire de la part des Affaires Internes pour que j'explique d'avantage les faits, j'ai pu prendre ma fin de service, n'étant pas disposée psychologiquement à reprendre ce dernier. Je me suis décidée à rentrer et à m'installer dans mon canapé pour gamberger sur tout cela. Néanmoins, la réflexion s'est abrégée très rapidement quand une émergence perpétuelle de pensées négatives m'a envahie. Au final, j'ai fondu en larmes, submergée par la culpabilité et le regret. Maintenant je le sais, tuer un homme, peu importe les circonstances, n'est pas facile à vivre. Quand presser la détente demeure aisé, encaisser les conséquences l'est vachement moins. Et pourtant, un adjoint du shérif se doit de pouvoir supporter ce fardeau, alors je vais devoir vivre avec.