Dr. R.Muldhog, l'histoire d'un psychologue. (Part. 3. : Mon passager noir...) - MàJ 14/05/2017

D’enfant d’argile sculpté par la violence, j’étais donc devenu ceci. Mâchoire serrée. Bouche close et pincée. Sécheresse squelettique. Brasier dans les tripes et dans les veines. J'avais une idée bien spécifique des gens. De l'animosité sourde qui les empoisonnaient les uns, les autres.
Senti comme mis de côté, peut-être était-ce moi le souci ?
Né d'une mère alcoolique et d'un père absent, je suis le déshonorable représentant d'une erreur humaine que l'on se borne à conserver par tradition ou improbité et que personne ne voit guère plus que comme une mœurs banalisée. Premier balayé sans pousser le cri de ma douleur au coeur, premier déchiré par le coup impitoyable de mon reflet dans le miroir. Premier à pleurer et jamais consolé.
Premier à tomber et premier relevé, je me suis mentalement métamorphosé. L'homme au nom et au visage inconnu est devenu silencieux et amorphe. Devenu ami des révélations d'autrui. Psychologue.

Je suis devenu moi même. Ronny Muldhog.

Je me levais, perdu dans la fatigue nocturne, et marchant d’une démarche lente presque morte vers la salle de bain. C’était la deuxième fois de la nuit que je me réveillais. Je me regardais dans le miroir, toujours les mêmes yeux marrons, le même nez, la même bouche, la même barbe bien taillée et les mêmes cheveux bruns qui à force de rester sur mon visage, semblaient ne plus m’appartenir.
Me recouchant dans mon lit, j'ai aperçu, comme se poser contre le mur, une ombre. Je la vis se déplacer lentement, suivant les contours des murs pour disparaître dans une trace sombre qui était en fait l’ombre de ma grande bibliothèque. J’avais déjà été, dans mon enfance, victime de terreurs nocturnes qui me paralysaient. Avec cette ombre là, je retrouvais la même sensation d’impuissance, les mêmes frissons sanglants et ces tremblements. Des tremblements compulsifs et frénétiques. Ces états de transe nocturnes qui étaient devenus des souvenirs négatifs de ma vie, des tourments encrés à jamais dans mon esprit et dont je redoutais le retour.
Et cette nuit, ce retour était la.

La terreur nocturne... Torture psychique qui faisait de moi un être de peur et déchaîné. Je l’avais personnifié, j’en avais fait un démon. Le démon que j’avais créé, le fantôme du passé revenu d’entre les morts pour tenter de faire vaciller l’être que j’avais réussi à reconstruire.
Âgé de 42 ans, depuis le samedi 13 Mai 2017, je me suis rendu compte qu'il m'était impossible de vaincre cette terreur nocturne devenue invincible. Cette terreur qui n'était rien de plus qu'une ombre. La mienne. Cette ombre qui s'est approchée de moi en cette nuit d'anniversaire, me caressant doucement pour y laisser une trace de son passage. Une trace brûlante sur mon torse. Une cicatrice. Un tatouage de sang impossible à enlever.
J'ai alors compris que le passé m'avait rattrapé, et que mon corps n'était plus le miens mais celui de mon démon. Mon passager noir. Celui qui commençait à me dicter les choses à faire.

Mon destin n'était plus miens, mais le siens.